Quand il sort de son Range-Rover, Narendra Modi ressemble à un père Noël indien qui viendrait à Buckingham Palace offrir des toffees aux petits-enfants de la reine. Avec sa longue barbe blanche, ses vêtements blancs traditionnels éclairés d’orange - couleur de la pureté dans l’hindouisme - le premier ministre de l’Inde semble doux et sage comme une gentille divinité. C’est sans compter ses mesures islamophobes et le fanatisme hindou qu’il encourage, et le gros SUV britannique qui indique sa puissance.
Et quel indice ! Depuis 2008, la marque Land-Rover - qui décline plusieurs SUV et tout-terrain dont la gamme de Range-Rover - appartient au groupe indien Tata Motors. Idem d’ailleurs pour Jaguar, autre fleuron de l’industrie automobile britannique. Tata a même réussi à redresser les deux marques, tout en continuant à les concevoir et les fabriquer en Angleterre.
Un Rangie plutôt qu’une Jag
Comme voiture officielle, Modi a choisi un Rangie plutôt qu’une Jag, sans doute parce qu’un véhicule de vadrouilleur (rover en anglais) colle mieux qu’une berline de luxe à l’image d’anti-notable qu’il se donne.
Narendra Modi sortant de son Range-Rover officiel en mai 2018, à New Delhi
D’autres constructeurs indiens, dont Mahindra, multiplient les modèles pour satisfaire l’appétit de la classe moyenne du pays. Aujourd’hui, l’Inde est le 4e producteur mondial de voitures, derrière la Chine, les Etats-Unis et le Japon, mais devant l’Allemagne. Avec un milliard d’habitants et seulement 30 millions de voitures particulières (par comparaison, il y en a 40 millions en circulation en France), l’automobile est un secteur économique clé en plein développement. A condition bien sûr que le pays s’équipe d’infrastructures et d’un bon réseau routier...
Des camions plutôt que des voitures
« Atmanirbhar Bharat ! » Qu’ils parlent hindi ou pas, un milliard d’Indiens connait le sens de ces mots. : Inde indépendante. Jusqu’en 1947, c’était le slogan des militants contre le colon anglais. Une fois celle-ci acquise, la formule n’a rien perdu de son actualité.
La population et ses leaders Gandhi puis Nerhu savaient que l’indépendance devaient être autant politique qu’économique. Alors à peine nommé premier ministre de l’Inde nouvelle, Nerhu instaure le Licence Raj, qui régule et encadre la création d’entreprises.
Narendra Modi se rendant à la cérémonie de construction du temple hindouiste Ram d’Ayodhya le 5 août 2020
Pour les chefs de la toute jeune démocratie indienne, l’économie doit être planifiée, et le développement organisé. La voiture particulière n’est pas considérée comme une priorité. Seulement trois constructeurs indiens, en partenariat avec des sociétés étrangères, ont le droit d’en construire. Pour sortir le sous-continent de la misère, mieux vaut des deux-roues, des bus et des camions.
Sept ans plus tard, pour protéger les marques locales, Nehru augmente les taxes sur les voitures importées. Alors pendant des décennies, les familles indiennes aisées ont le choix entre … trois modèles : La Fiat 1100, une déclinaison indienne fabriquée à Bombay de la petite familiale de la marque italienne, la Standart Herald, une berline familiale produite à Madras version locale de l’anglaise Triumph Herald, et l’Ambassador, une grosse berline haut-de-gamme (au regard des critères indiens) fabriquée à Calcutta.
Jawaharlal Nehru (à droite) et un édile indonésien en visite à New Delhi, dans une Ambassador au début des années 50
Installer un constructeur dans chacun des trois grands ports du pays, telle était l’idée de Nerhu. Rien n’a vraiment changé jusqu’en 1991 et la libéralisation de l’économie indienne.
Des vélos, des ânes, des vaches sacrées...
Personnellement, à cette époque, nous avons roulé dans une Ambassador « de luxe » (la crème des Ambassadors) pour relier Agra à Bénarès, sur le bord du Gange. Toutes les heures, le chauffeur (il n’était pas envisageable de conduire soi-même) s’arrêtait, remplissait le réservoir d’eau et attendait que la température baisse.
Une Ambassador de Luxe « refroidissant » entre Agra et Bénarès
Puis il repartait dans une course folle à 40 km/h sur une route fiévreuse où camions ancestraux, autocars bondés, vélos brinquebalants, piétons pieds nus, indigents et hors caste sans logis, animaux de toutes sortes (dromadaires, ânes, chiens errants, vaches sacrées…) avançaient, se croisaient, se doublaient toujours à la limite du carambolage général. Souvent d’ailleurs on dépassait des camions et des voitures renversés sur les bas-côtés. Jamais, nous n’avons roulé aussi lentement en ayant aussi peur…
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August 25, 2020 at 04:04PM
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Voitures mythiques (5/5) : Le Range-Rover de Narendra Modi - L'Obs
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